Loumbila : A la découverte du musée de l’eau

 

 Des symboles, des ustensiles et objets relatifs à l’eau,  constituent les principales richesses de cet endroit que nous avons pu visiter.

Situé à  quelque 15 kilomètres de la capitale burkinabè, nous avons gagné Loumbila  à  moins d’une heure de temps. Le musée de l’eau ne semble pas chose connue même par les autochtones. Le premier interlocuteur avec qui nous prenons les premiers  renseignements pour trouver notre chemin, nous surprend par son grand étonnement. « Je n’ai pas connaissance d’un quelconque musée de l’eau ici», affirme-t-il avec un regard visiblement posé sur le rond-point  du grand  Ouaga. «Si c’est vraiment ici, je ne connais pas», ajoute-il. Il nous conseille d’apostropher  d’autres personnes, le temps de contempler les grosses machines de la société EBOMAF qui s’activent sur les travaux de construction et de bitumage de l’autoroute de contournement de Ouaga  lancé en fin octobre 2018.

 Un deuxième riverain et toujours le statu quo. Assis sous un hangar, la tête « plongée » dans une calebasse de boisson locale, Fabrice  Ouédraogo, dit n’avoir jamais entendu parler d’un musée de l’eau dans la commune de Loumbila.  Comme nos deux interlocuteurs, bon nombre de personnes ignorent l’existence de cet espace culturel. Le site n’est pas connu, nous dira plus tard son promoteur.

Nous parvenons finalement aux environs de 10h sur le site de musée, situé à la lisière de la ville.  A ciel ouvert, le musée s’étend sur 10 hectares dont moins d’un démi a été mis en valeur, nous dit le promoteur, Alassane Samoura, arrivé 30 minutes après.

 Des objets les plus immémoriaux aux plus récents, le musée  regorge tous les symboles afférents à l’or bleu. On y trouve  exposées en cercle, des pompes coloniales qui malgré les ravages du temps scintillent toujours. Dans la touffe d’arbres qui entourent le musée, balancent au gré du vent des plaquettes où sont écrits de nombreux proverbes. S’offrent également aux visiteurs des  calebasses, des gobelets et des  forages qui font de cet espace un lieu atypique au pays des Hommes intègre.

Le concept du musée de l’eau, explique son promoteur,  est tout ce qui est en rapport avec Dieu notamment les ustensiles, les objets qui sont en lien avec Dieu pour aider l’homme au transport et au prélèvement de l’eau. Il n’y a pas seulement que les objets relatifs à l’eau dans ce musée selon Alassane Samoura qui brandit une pancarte sur laquelle il est  écrit : « Dans les larmes d’une femme, le sage ne voit que de l’eau ». C’est un échantillon parmi tant d’autres entreposés pêle-mêle dans le musée.

Pour le sociologue, la création de ce musée résulte d’un constat. «  J’ai crée ce musée parce que j’ai eu l’impression que les gens n’ont pas une vision holistique de l’eau. Cela veut dire qu’on  ne voit que l’aspect matériel de cette substance indispensable à la vie. Et pourtant, il y a aussi l’aspect immatériel qui constitue un patrimoine » a-t-il expliqué en précisant que la création de son musée répond à une nécessité de mise en valeur de l’eau dans toute ses dimensions.

Le bâton du  sourcier, une  technique qui permet de déterminer la présence d’eau.

C’est une prouesse, un art, une science inédite  que produit le bâton  du sourcier.  Ce bâton en forme de V, flexible, a la capacité d’indiquer la nappe phréatique (l’eau du sous-sol) à travers une technique simple. Débout et serein comme un soldat en faction, le bâton  tenu des deux bouts, à pas de tortue, Alassane Samoura fait la démonstration de cette science inouïe sous nos regards admirateurs et plein de questionnements. Ainsi, sans incantations ou invocations, ce bâton, arrive visiblement à indiquer la zone d’eau souterraine  à travers une forte attraction vers le bas. «Que c’est magnifique», s’étonne Jean-Jacques Lumbroso, un français venu en visite sur le site. «Il y a des gens au Burkina qui ont réussi à faire construire des puits, réaliser des forages à l’aide du bâton de sourcier» rassure Alassane Samoura dans sa tenue traditionnelle que le léger vent de la mi-journée menaçait d’emporter. « Malheureusement au Burkina, cette technique traditionnelle n’a pas bonne presse », regrette le géniteur du musée qui plaide pour sa prise en compte au même titre que l’hydrogéologie.

Le Lampedusa, autre symbolique fort de l’eau

C’est une pirogue noire  d’environ dix mètres, baptisée le Lampedusa, du nom de cette île italienne où échouent chaque année de nombreux migrants. Ce concept selon le patron des lieux  traduit la négation de l’immigration des Africains. Pendant longtemps, déplore-t-il, on a vu que beaucoup de jeune africains ont  tenté de partir sur l’Europe en passant par les  côtes maritimes. Cette pirogue, ajoute-il, est une interpellation à la jeunesse africaine afin de stopper cet exode vers l’extérieur. A travers ce symbole, indique le promoteur, nous faisons un double appels à la jeunesse et mais aussi aux autorités du pays. La jeunesse doit sortir des sentiers battus en pensant que l’eldorado se trouve ailleurs. Mais il faut une volonté politique pour aider cette jeunesse, a t-il suggéré. « Si les gens vont en Europe, c’est parce que nous avons un problème de gestion et de gouvernance » s’insurge le sociologue.

 « La visite est nulle dans ce musée » Alassane Samoura 

La principale difficulté du musée de l’eau selon son promoteur est le manque criard de visiteurs. «  Je peux vous dire que je ne reçois pratiquement pas de visiteurs » regrette-t-il. La visite est nulle nous a t-il lancé mais garde toujours l'espoir. Selon lui,  les crises sécuritaires et sanitaires ont davantage contribué à freiner la fréquentation du musée.  Nous enregistrons rarement des visiteurs, renchérit le guide du musée, Wenceslas Yougbaré qui espère que la donne va changer dans un avenir proche.

Norbert Ki, l’un des sept employés du musée, embouche la même trompette. «  Cela fait déjà deux ans que je suis arrivé dans ce musée, je vous avoue que le lieu ne suscite pas d’engouement », nous relate le jeune homme filiforme, aux cheveux crépus par ailleurs gardien du musée. Le manque de financement qui est l’un des talons d’Achille de cette aire culturelle, n’empêche pas le promoteur de se fixer de nouvelles ambitions. 

En termes de perspectives, le musée compte selon son concepteur, accentuer  sur la communication afin d’augmenter la visibilité du site.  Renforcer les capacités du personnel, construire des restaurants et d’espace femme et enfant, sont entre autres les nouveaux défis qui attendent le promoteur du site. Mais tout doit commencer par le nerf de la guerre, mentionne-t-il en précisant que des levés de fonds seront effectués.

En attendant, les regards sont tournés vers la journée mondiale de l’eau qui sera célébrée le 22 mars prochain. Plusieurs activités sont prévues dans le cadre de cette commémoration, conclut Alassane Samoura.

Serge Ika Ki

 

 

 

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